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Société Civile : un contre-pouvoir à la retraite ?

L’arrestation du journaliste Harold Leckat a jeté une lumière crue sur les fractures du Gabon post-transition. Au-delà du sort d’un homme, c’est le silence assourdissant des figures historiques de la société civile qui interpelle et divise. Ont-elles été « domestiquées » par le nouveau pouvoir ou ont-elles simplement passé le flambeau ?

L’affaire a agi comme un révélateur. Le 15 octobre, le directeur de publication de Gabon Média Time était arrêté.

Si quelques organisations de défense des journalistes ont rapidement condamné l’acte, les grandes voix qui, hier encore, tonnaient contre le régime Bongo sont restées étonnamment discrètes.

Ce mutisme a été qualifié de « déchéance morale » par le média en ligne Dépêches 241, qui dénonce une société civile anesthésiée, dont les leaders auraient troqué leur « vocation pour des postes confortables » après avoir été « invités au banquet de la Transition ».

Pour le journal, la conclusion est amère, le nouveau régime a réussi là où l’ancien a échoué, en neutralisant ses plus féroces critiques.

La réponse n’a pas tardé. Dans une tribune cinglante, Geoffroy Foumboula Libeka, figure de la société civile devenu vice-président de l’Assemblée de Transition, a balayé les accusations. Il défend des « pères » fatigués par des décennies de lutte sans véritable soutien populaire.

« Ils vous ont libéré la place. Au lieu donc de vous plaindre de leurs silences, venez maintenant jouer ce rôle et faire mieux qu’eux », lance-t-il à leurs détracteurs, qu’il renvoie à leur inaction.

Entre ces deux lectures, la réalité est complexe. De fait, plusieurs activistes emblématiques, comme Marc Ona, ont accepté des postes à responsabilité au sein de l’appareil d’État.

Sont-ils désormais tenus par une discipline politique qui les empêche de critiquer l’exécutif ? Leur silence est-il le prix de leur nouvelle position ?

Cette affaire pose une question fondamentale. Qui incarne aujourd’hui le contre-pouvoir au Gabon ?

La place laissée vacante par les anciens a-t-elle été réellement prise par une nouvelle génération, comme le souhaite Foumboula Libeka, ou est-elle simplement vide ?

L’affaire Leckat agit comme un test de vérité pour la Transition et pour ceux qui prétendaient en être la conscience morale.

En choisissant le silence, les anciens gardiens du temple prennent le risque de valider l’idée qu’un contre-pouvoir, au Gabon, est soit en prison, soit au gouvernement.

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